Planète vagabonde

J'ai pris forme dans l'univers, et je me suis posé ici, sur la planète bleue.
Ai-je été dérouté par quelque malencontre, abusé par quelque illusion?
Car dans le repos ou l'exaltation, surgissent
d'autres images, d'autres sentiments, d'autres espaces, d'autres élans,
qui m'apportent, fugitifs et émus, les parfums d'un ailleurs souvenu.

Je chevauche l'ici et l'ailleurs.
Tout de l'ici m'est plus étrange que l'ailleurs.
L'ici est submergé de clameurs et de stupéfactions;
l'ailleurs s'irrigue d'amitié, scintille d'enthousiasme,
s'enveloppe de silence, et patiente à l'infini.

L'ailleurs et l'ici ont rendez-vous dans un havre intime et secret.

jeudi 27 juillet 2006

Charme

La Reine des Sorcières a dit à la novice:

“Tu devrais le savoir! Apprends, petite gourde, que tu ne dois pas user, pour ensorceler un homme, de charmes compliqués avant d'avoir épuisé tous les charmes naturels dont ton maître t'a pourvue quand tu es née. Tu dois, pour l'ensorceler, lui danser une danse endiablée.

“Hors de sa vue, commence par te dévêtir entièrement, parfume-toi discrètement et revêts une robe courte, pas plus longue que mi-cuisse, aux fines bretelles, au ton noir ou foncé, qui laisse deviner tes charmes à la lumière atténuée, et qui soit généreusement décolletée. Tu peux aussi, si tu le souhaites, orner tes cheveux et tes oreilles. Mais ne porte ni collier, ni bracelet, bague, ceinture, chaussure ni aucun autre accessoire.

“Puis rejoins-le dans la pièce sobrement éclairée où il t'attend et dis-lui: ‘Regarde, je danse pour toi!’. Mets-toi aussitôt à danser, saute, lève haut les bras, haut les jambes, prends des poses lascives, pousse de petits cris, laisse la frénésie te gagner et, au plus fort de l'endiablée, jette-lui ta robe. Quand enfin tu t'arrêteras, nue, haletante, épuisée, tu verras l'homme ensorcelé, les yeux exhorbités, se prosterner devant toi.

“Alors tu le commanderas et il fera tout ce que tu voudras. Mais ne le méprise pas, car s'il t'a séduite, c'est qu'à son insu il t'a toi-même libérée d'un charme qui pesait sur toi.

“Pour qu'il ne s'échappe pas, demande-lui tous ses habits et cache-les. Invente-lui un nom, ou dis-lui simplement: ‘Toi, fais-moi ceci, Toi, fais-moi cela...’ Donne-toi un nom par lequel il te nommera: ‘Madame, Mademoiselle, Maîtresse, ou bien Ensorcelia, Voluptua, etc...’

“Désormais, chaque fois qu'il sera seul avec toi et que tu voudras l'ensorceler, tu n'auras qu'à le regarder dans les yeux et lui jeter: ‘Charme, prends-le!’, et il retombera aussitôt en ton pouvoir. Pour rompre le charme, commence par lui rendre ses habits et, une fois qu'il les aura revêtus, ordonne-lui de s'allonger, endors-le, et dis: ‘Charme, laisse-le!’ Il se réveillera et s'excusera de s'être assoupi.”

Ayant ainsi parlé, la Reine des Sorcières disparut à l'instant, et son rire s'évanouit peu à peu au fond de la nuit.

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