Planète vagabonde

J'ai pris forme dans l'univers, et je me suis posé ici, sur la planète bleue.
Ai-je été dérouté par quelque malencontre, abusé par quelque illusion?
Car dans le repos ou l'exaltation, surgissent
d'autres images, d'autres sentiments, d'autres espaces, d'autres élans,
qui m'apportent, fugitifs et émus, les parfums d'un ailleurs souvenu.

Je chevauche l'ici et l'ailleurs.
Tout de l'ici m'est plus étrange que l'ailleurs.
L'ici est submergé de clameurs et de stupéfactions;
l'ailleurs s'irrigue d'amitié, scintille d'enthousiasme,
s'enveloppe de silence, et patiente à l'infini.

L'ailleurs et l'ici ont rendez-vous dans un havre intime et secret.

samedi 15 juillet 2006

Genèse

Je dois ma religion aux circonstances de ma naissance: la seule raison, la vraie, pour laquelle j'ai reçu une éducation chrétienne, c'est que je suis né dans une famille chrétienne. Alléguer une autre raison que celle-là n'est qu'idéologie, c'est-à-dire moyen de coercition. “Les circonstances de ma naissance”, c'est une raison qui vaut aussi pour ma nationalité, la couleur de ma peau, mon genre (comme disent les anglo-saxons, c'est-à-dire mon sexe) et, pourquoi pas, pour l'espèce humaine, voire le règne animal auxquels j'appartiens.

Voilà également la seule raison pour laquelle je ne “défends” pas le christianisme “contre” le judaïsme, l'islam, le bouddhisme, le taoïsme, etc., ni non plus les Français contre les Étrangers, les Blancs contre les Noirs ou les Jaunes, etc., les hommes contre les femmes, les humains contre les autres espèces animales, et les animaux contre les végétaux et les minéraux.

J'ai été convié dès mon plus jeune âge à lire la Bible. Ce vaste pilier de justice m'a instillé le poison de la peur, celle du coupable que sa mauvaise volonté voue à la punition une fois sa mort venue.

C'est en voulant exorciser cette peur qui me hantait que je suis revenu comme un enfant prodigue vers le temple et là, un jour, au cours d'une réunion d'étude qui portait sur la Genèse, premier livre de La Bible, un “miracle” s'est produit.

Le miracle, c'est un verset quasiment anodin de la Genèse, le 15e du 2e chapitre, dont toutes les versions que j'ai pu trouver en librairie se résument à celle de Louis Second (Alliance Biblique Universelle):

L'Éternel Dieu prit l'homme et le plaça dans le jardin d'Éden pour le cultiver et pour le garder.

Toutes ces traductions disent la même chose: Dieu a mis Adam dans l'Éden pour l'y employer comme jardinier et gardien. C'est-à-dire que Dieu a créé l'homme pour en faire son serviteur, son employé.

Mais en ce jour de grâce-là, j'ai pris connaissance de la traduction qu'André Chouraqui (Desclée de Brouwer) en avait faite, et sans laquelle ce verset aurait continué, tout en demeurant inaperçu, d'accomplir son oeuvre coupable dans mon subconscient. Voici la traduction d'André Chouraqui:

IHVH-Adonaï Élohîms prend le glébeux et le pose au jardin de ‘Édèn, pour le servir et pour le garder.

Et voilà la création remise dans le bon sens: Dieu a créé l'homme, non pour en faire son esclave mais, en être responsable de sa création (quand bien même c'est elle qui lui aurait demandé d'être créée), il se met à son service et lui assure sa protection.

Plus de père fouettard qui guette le moindre faux-pas pour sévir. Rien d'autre que de l'amour, rien d'autre que de la générosité. Et pour la première fois sans doute, j'ai éprouvé un immense sentiment de joie et de gratitude.

Alors, comme s'ils n'attendaient que cet instant pour bondir à la lumière et me conforter dans ma découverte, ont ressurgi pêle-mêle des fragments des Évangiles (désormais tous les extraits sont pris dans la version d'André Chouraqui):

Fixez les oiseaux du ciel: ils ne sèment pas, ne moissonnent pas, n'engrangent pas dans les granges. Mais votre Père des ciels les nourrit.(Matthieu 6, 26)
Remarquez les amaryllis des champs, comme elles croissent sans peiner ni filer. Or je vous dis: même Shelomo dans toute sa gloire n'était pas vêtu comme l'une d'elles.(Matthieu 6, 28-29)
Et moi je vous dis: Demandez, il vous sera donné. Cherchez, vous trouverez. Frappez, il vous sera ouvert. Oui, tout demandeur reçoit; tout chercheur trouve; à tout frappeur il est ouvert.
Quel père parmi vous à qui son fils demande un poisson lui donne, au lieu de poisson, un serpent? Ou, quand il lui demande un oeuf, lui donne un scorpion?
Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de beaux dons à vos enfants, combien plus le Père des ciels donne le souffle sacré à ceux qui le lui demandent. (Luc 11, 9-13)

Néanmoins je dois dire que je fus le seul à m'enthousiasmer ce jour-là et que mes partenaires ont tout simplement éludé, voire méprisé la question (et le questionneur). De sorte que je leur ai retiré ma confiance et que, dès lors, j'ai dû inventer tout seul mon chemin.

Tout seul? Non, puisque j'avais désormais pour ami un “dieu” bienveillant. Un dieu? Non, pas ce visage humain trop restrictif, trop exclusif, trop complaisant à l'orgueil humain. Non, pas un dieu, mais l'univers tout entier pour partenaire, et pour l'éternité retrouvée.

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