Planète vagabonde

J'ai pris forme dans l'univers, et je me suis posé ici, sur la planète bleue.
Ai-je été dérouté par quelque malencontre, abusé par quelque illusion?
Car dans le repos ou l'exaltation, surgissent
d'autres images, d'autres sentiments, d'autres espaces, d'autres élans,
qui m'apportent, fugitifs et émus, les parfums d'un ailleurs souvenu.

Je chevauche l'ici et l'ailleurs.
Tout de l'ici m'est plus étrange que l'ailleurs.
L'ici est submergé de clameurs et de stupéfactions;
l'ailleurs s'irrigue d'amitié, scintille d'enthousiasme,
s'enveloppe de silence, et patiente à l'infini.

L'ailleurs et l'ici ont rendez-vous dans un havre intime et secret.

vendredi 27 avril 2007

Décision

Vouloir est une coercition; cela oblige à mobiliser beaucoup d'énergie pour surmonter tous les obstacles.

Décider tranche comme un glaive, et dès lors l'action coule d'elle-même et aborde les obstacles avec légèreté.

Aussi, dans les affaires vitales, je préfère trancher le noeud gordien.

mardi 24 avril 2007

Pardon

Pardonner met un terme à la violence.

mercredi 18 avril 2007

Un quatrain au hasard

Il y a trois jours, alors que j'avais renoué avec la lecture des Quatrains d'Omar Khayyam dans la belle traduction de Charles Grolleau, j'ai eu l'idée subite d'ouvrir le livre au hasard, en lui demandant sérieusement de m'offrir un message en cadeau. Et je suis tombé sur le 77e quatrain:

“Bois du vin, pour qu'il chasse au loin toutes tes misères
Et la troublante pensée des soixante-douze sectes (les religions, qui divisent le monde).
Ne fuis pas l'alchimiste, car, de lui,
Si tu prends seulement une gorgée, il fera s'évanouir en toi mille soucis.”

Ce quatrain, je le comprends ainsi:

“Jouis de la vie, penses que tu heureux maintenant, et désormais chaque jour. À l'égard de la religion, tu t'es mis en accord avec toi-même en trouvant l'attitude qui te convient; ce que tu avais à en apprendre fait désormais partie de toi, et il est temps désormais que tu passes à autre chose. Va vers la joie!”.

vendredi 13 avril 2007

Monde onirique

Anna Moï, L'écho des rizières:

“Les erreurs sont rarement fatales.
Elles sont même plutôt heureuses, réfléchissant ainsi une vision subjective et non conforme à la réalité d'autrui.
Elles donnent, durant le temps qu'il faut pour la corriger, une identité décalée aux choses: une fraîcheur.”

Le fait qu'une identité décalée soit donnée aux choses, est-ce une erreur?
Et s'il y a une erreur, n'est-ce pas le fait de croire qu'une erreur soit possible?
Et s'il n'y a pas d'erreur, il n'y a donc rien à corriger.

Un proverbe dit: “Errare humanum est, sed perseverare diabolicum / Il est humain de se tromper, mais diabolique de persévérer (dans l'erreur).”
Ce qui est diabolique appartient au diable, autrement dit au diviseur.
Error (erreur) a la même racine qu'errare (errer). Est-ce qu'errer n'est pas la manière la plus juste de marcher sur son propre chemin, celui qui est “subjectif et non conforme à la réalité d'autrui”?
Ce qui me reconduit au premier article de ce blog...

Est-il diabolique de vouloir tracer son propre chemin?
N'y aurait-il qu'un seul et même chemin pour tous les êtres, et non pas autant de chemins que d'êtres?

Pour ma part, je n'accorde pas à l'erreur ce statut dramatique. L'erreur, c'est l'imprévu, ce peut être un cadeau que m'offre la vie pour échapper à l'étroitesse de ma propre vision en me rappelant que les possibles ne cessent de se créer.

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Lama Chagdud (ou Chakdud) Tulku Rinpoché (épigraphe à L'écho des rizières):

“Reconnaissez sans cesse le caractère onirique de la vie et réduisez attachement et aversion.
Cultivez la bienveillance envers tous les êtres.
Soyez emplis d'amour et de compassion, quelle que soit l'attitude des autres envers vous.
Ce qu'ils vous font aura une moindre importance si vous le voyez comme un rêve.
La clé est de conserver une intention positive durant le rêve.
C'est là le point essentiel, la spiritualité authentique.”

S'il n'y a pas d'autre erreur que de croire que l'erreur est possible, dans ce rêve que serait la vie, alors corriger cette seule erreur, retirer ce voile qui distord la vision, n'est-ce pas cela l'intention positive qui permet d'habiter le rêve.

Et, pour conclure sur cette positivité:

Ralph Waldo Emerson (Compensation):

“On ne peut non plus dire, d'autre part, que le gain de la rectitude doive être payé par une quelconque perte. Il n'y a aucune pénalité pour la vertu; aucune pénalité pour la sagesse; elles sont les additions naturelles de l'être. Dans une action vertueuse, je suis comme je dois être; dans un acte vertueux, j'ajoute au monde; je plante dans des déserts conquis sur le Chaos et le Néant, et vois l'obscurité reculer aux limites de l'horizon. Il ne peut y avoir aucun excès dans l'amour; aucun dans la connaissance; aucun dans la beauté, quand ces attributs sont considérés dans leur sens le plus pur. L'âme refuse les limites, et affirme toujours un Optimisme, jamais un Pessimisme.”

dimanche 1 avril 2007

Danse

L'autre jour, j'ai regardé quatre danseurs, trois femmes et un homme, évoluer dans l'intimité d'une petite salle. Je baignais dans une douce sérénité: ce que je voyais me plaisait, j'étais en plein accord avec le lieu et le moment.

Mais je ne suis pas capable de prolonger une attention soutenue, et bientôt mon esprit s'est mis irrésistiblement à flotter.

Il était question de langage relâché et de langage soutenu, de la violente rigidité des défenseurs de la langue française contre toute tentative d'en assouplir les règles, puis des tensions du corps, d'origine psychologique, qui consument beaucoup d'énergie pour se maintenir. Tension, relâchement, c'était le langage de l'effort.

Soudain m'est apparu le sens de ce “délire mental”: mon esprit traduisait dans un langage conscient le dialogue de mon corps et de la danse. Et que disait-elle, la danse, à mon corps? Une chose très simple:

“C'est la rigidité qui consume l'énergie. Regarde-moi, je suis fluide et pourtant tonique, jamais je ne me fige. Je suis un seul mouvement, je suis la vie légère et souple qui ondule.”

La danse conversait intimement avec moi, elle me prodiguait une nourriture subtile dont j'avais besoin. Elle me parlait de mon corps, si rigide à cause de toutes mes tensions, de mes muscles durcis et raccourcis, des exercices quasi quotidiens d'assouplissement que je venais de commencer. C'était mon propre corps qui me parlait à travers la danse:

“Ne t'acharnes pas contre mes rigidités, car elles m'ont protégé contre bien des violences. Si tu me secoues trop brutalement, je vais me tendre encore plus de peur de casser. Mais sois patient, soit doux avec moi: si toi tu n'es pas doux avec moi, qui d'autre le sera? Plus forte sera ma résistance, que plus grande soit ta douceur, et plus confiante ta patience. Laisse-moi m'ouvrir selon mon propre rythme, laisse-moi être le seul guide, car moi seul sais ce qui est bon pour moi. Traite-moi avec délicatesse, parle-moi avec tendresse, aime-moi: je suis toi et tu es moi.”

Toutes ces choses, mon esprit les connaissait déjà, pour les avoir lues ou entendues maintes fois. Mais lui seul les connaissait. C'est dire que je ne savais rien.