Planète vagabonde

J'ai pris forme dans l'univers, et je me suis posé ici, sur la planète bleue.
Ai-je été dérouté par quelque malencontre, abusé par quelque illusion?
Car dans le repos ou l'exaltation, surgissent
d'autres images, d'autres sentiments, d'autres espaces, d'autres élans,
qui m'apportent, fugitifs et émus, les parfums d'un ailleurs souvenu.

Je chevauche l'ici et l'ailleurs.
Tout de l'ici m'est plus étrange que l'ailleurs.
L'ici est submergé de clameurs et de stupéfactions;
l'ailleurs s'irrigue d'amitié, scintille d'enthousiasme,
s'enveloppe de silence, et patiente à l'infini.

L'ailleurs et l'ici ont rendez-vous dans un havre intime et secret.

mercredi 1 août 2007

Nerval

“Nous sommes tous parents de Dieu, et la terre a besoin qu'aucun de nous ne souffre: car ce sont les imprécations des malheureux qui s'amassent et causent les désastres.” (Sur un carnet de Gérard de Nerval)

mercredi 9 mai 2007

Projection

Si ma vision du monde n'est qu'une vaste projection, c'est-à-dire si le monde, l'univers, les êtres et les choses n'ont pas en eux-mêmes de réalité déterminée, alors il est dans mon intérêt comme dans celui des êtres et des choses de soigner ma projection, c'est-à-dire ma vision, c'est-à-dire ce que je mets dans mon coeur.

“Oui, là où est ton trésor, là aussi est ton coeur.” Matthieu 6, 21)

vendredi 27 avril 2007

Décision

Vouloir est une coercition; cela oblige à mobiliser beaucoup d'énergie pour surmonter tous les obstacles.

Décider tranche comme un glaive, et dès lors l'action coule d'elle-même et aborde les obstacles avec légèreté.

Aussi, dans les affaires vitales, je préfère trancher le noeud gordien.

mardi 24 avril 2007

Pardon

Pardonner met un terme à la violence.

mercredi 18 avril 2007

Un quatrain au hasard

Il y a trois jours, alors que j'avais renoué avec la lecture des Quatrains d'Omar Khayyam dans la belle traduction de Charles Grolleau, j'ai eu l'idée subite d'ouvrir le livre au hasard, en lui demandant sérieusement de m'offrir un message en cadeau. Et je suis tombé sur le 77e quatrain:

“Bois du vin, pour qu'il chasse au loin toutes tes misères
Et la troublante pensée des soixante-douze sectes (les religions, qui divisent le monde).
Ne fuis pas l'alchimiste, car, de lui,
Si tu prends seulement une gorgée, il fera s'évanouir en toi mille soucis.”

Ce quatrain, je le comprends ainsi:

“Jouis de la vie, penses que tu heureux maintenant, et désormais chaque jour. À l'égard de la religion, tu t'es mis en accord avec toi-même en trouvant l'attitude qui te convient; ce que tu avais à en apprendre fait désormais partie de toi, et il est temps désormais que tu passes à autre chose. Va vers la joie!”.

vendredi 13 avril 2007

Monde onirique

Anna Moï, L'écho des rizières:

“Les erreurs sont rarement fatales.
Elles sont même plutôt heureuses, réfléchissant ainsi une vision subjective et non conforme à la réalité d'autrui.
Elles donnent, durant le temps qu'il faut pour la corriger, une identité décalée aux choses: une fraîcheur.”

Le fait qu'une identité décalée soit donnée aux choses, est-ce une erreur?
Et s'il y a une erreur, n'est-ce pas le fait de croire qu'une erreur soit possible?
Et s'il n'y a pas d'erreur, il n'y a donc rien à corriger.

Un proverbe dit: “Errare humanum est, sed perseverare diabolicum / Il est humain de se tromper, mais diabolique de persévérer (dans l'erreur).”
Ce qui est diabolique appartient au diable, autrement dit au diviseur.
Error (erreur) a la même racine qu'errare (errer). Est-ce qu'errer n'est pas la manière la plus juste de marcher sur son propre chemin, celui qui est “subjectif et non conforme à la réalité d'autrui”?
Ce qui me reconduit au premier article de ce blog...

Est-il diabolique de vouloir tracer son propre chemin?
N'y aurait-il qu'un seul et même chemin pour tous les êtres, et non pas autant de chemins que d'êtres?

Pour ma part, je n'accorde pas à l'erreur ce statut dramatique. L'erreur, c'est l'imprévu, ce peut être un cadeau que m'offre la vie pour échapper à l'étroitesse de ma propre vision en me rappelant que les possibles ne cessent de se créer.

.

Lama Chagdud (ou Chakdud) Tulku Rinpoché (épigraphe à L'écho des rizières):

“Reconnaissez sans cesse le caractère onirique de la vie et réduisez attachement et aversion.
Cultivez la bienveillance envers tous les êtres.
Soyez emplis d'amour et de compassion, quelle que soit l'attitude des autres envers vous.
Ce qu'ils vous font aura une moindre importance si vous le voyez comme un rêve.
La clé est de conserver une intention positive durant le rêve.
C'est là le point essentiel, la spiritualité authentique.”

S'il n'y a pas d'autre erreur que de croire que l'erreur est possible, dans ce rêve que serait la vie, alors corriger cette seule erreur, retirer ce voile qui distord la vision, n'est-ce pas cela l'intention positive qui permet d'habiter le rêve.

Et, pour conclure sur cette positivité:

Ralph Waldo Emerson (Compensation):

“On ne peut non plus dire, d'autre part, que le gain de la rectitude doive être payé par une quelconque perte. Il n'y a aucune pénalité pour la vertu; aucune pénalité pour la sagesse; elles sont les additions naturelles de l'être. Dans une action vertueuse, je suis comme je dois être; dans un acte vertueux, j'ajoute au monde; je plante dans des déserts conquis sur le Chaos et le Néant, et vois l'obscurité reculer aux limites de l'horizon. Il ne peut y avoir aucun excès dans l'amour; aucun dans la connaissance; aucun dans la beauté, quand ces attributs sont considérés dans leur sens le plus pur. L'âme refuse les limites, et affirme toujours un Optimisme, jamais un Pessimisme.”

dimanche 1 avril 2007

Danse

L'autre jour, j'ai regardé quatre danseurs, trois femmes et un homme, évoluer dans l'intimité d'une petite salle. Je baignais dans une douce sérénité: ce que je voyais me plaisait, j'étais en plein accord avec le lieu et le moment.

Mais je ne suis pas capable de prolonger une attention soutenue, et bientôt mon esprit s'est mis irrésistiblement à flotter.

Il était question de langage relâché et de langage soutenu, de la violente rigidité des défenseurs de la langue française contre toute tentative d'en assouplir les règles, puis des tensions du corps, d'origine psychologique, qui consument beaucoup d'énergie pour se maintenir. Tension, relâchement, c'était le langage de l'effort.

Soudain m'est apparu le sens de ce “délire mental”: mon esprit traduisait dans un langage conscient le dialogue de mon corps et de la danse. Et que disait-elle, la danse, à mon corps? Une chose très simple:

“C'est la rigidité qui consume l'énergie. Regarde-moi, je suis fluide et pourtant tonique, jamais je ne me fige. Je suis un seul mouvement, je suis la vie légère et souple qui ondule.”

La danse conversait intimement avec moi, elle me prodiguait une nourriture subtile dont j'avais besoin. Elle me parlait de mon corps, si rigide à cause de toutes mes tensions, de mes muscles durcis et raccourcis, des exercices quasi quotidiens d'assouplissement que je venais de commencer. C'était mon propre corps qui me parlait à travers la danse:

“Ne t'acharnes pas contre mes rigidités, car elles m'ont protégé contre bien des violences. Si tu me secoues trop brutalement, je vais me tendre encore plus de peur de casser. Mais sois patient, soit doux avec moi: si toi tu n'es pas doux avec moi, qui d'autre le sera? Plus forte sera ma résistance, que plus grande soit ta douceur, et plus confiante ta patience. Laisse-moi m'ouvrir selon mon propre rythme, laisse-moi être le seul guide, car moi seul sais ce qui est bon pour moi. Traite-moi avec délicatesse, parle-moi avec tendresse, aime-moi: je suis toi et tu es moi.”

Toutes ces choses, mon esprit les connaissait déjà, pour les avoir lues ou entendues maintes fois. Mais lui seul les connaissait. C'est dire que je ne savais rien.

vendredi 16 mars 2007

La vie sauve

Dans les premières années de mon enfance, j'ai par deux fois échappé de justesse à une mort violente, et chaque fois les circonstances étaient semblables. Je ne me souviens pas quelles émotions j'ai pu éprouver à ces moments, mais j'ai dû en éprouver, puisqu'il me reste quelques images de ces événements.

La première fois, revenant avec mon frère des bords de la rivière qui passait près de notre maison, je me suis mis soudainement à descendre en courant la levée, et me suis arrêté net au bord de la route: une voiture lancée à pleine vitesse est passée juste devant moi.

La seconde fois, j'ai franchi le portail de la maison en courant et me suis arrêté net au bord du trottoir: un camion à benne qui descendait la rue a freiné à mort, et je me souviens avoir vu ses roues arrière heurter le trottoir d'en face puis le trottoir de mon côté. La voisine d'en face et le chauffeur du camion m'ont interpellé, mais je ne me souviens pas des mots qu'ils m'ont adressés.

Par deux fois donc, j'ai été sauvé d'une mort certaine.

Quelqu'un, peut-être un médium, m'a dit un jour que je bénéficiais d'une protection “surnaturelle”; au souvenir de ces deux événements, je suis porté à le croire, et me sens rempli de gratitude et en toute sécurité.

S'il est vrai que dans un monde autre des êtres veillent sur moi, je veux répondre à leur amitié. Je suis prêt pour tout ce qu'ils peuvent attendre de moi.

mercredi 14 mars 2007

Kannon et Kinjika

Daien-in Kannon, Mt Kôya, Japon . Kinjika 金鹿
Kannon, au temple Daien-in (Mt Kôya, Japon)
大圓院の観音(高野山)


Merci à Jpatokal et Wikipédia
pour le sourire paisible et lumineux de
Kannon - Avalokiteshvara.
. Le Cerf Doré,
gardien lumineux et bienveillant


「kinjika」は私の心の守り神です。
金の鹿は輝いていて好意的な神です。

mardi 13 mars 2007

Médium

Voici ce que m'a dit le médium, et l'inspiration que j'en retire:

“Je marche à grandes enjambées, droit devant, car j'aurai toujours toute ma vie à vivre.

Je suis confiant, c'est-à-dire que je suis en parfait accord avec moi-même, avec le monde-autre, avec toute la vie.

Je ne regarde pas en arrière, car le passé est passé.

Je ne doute pas, pour que rien ne se perde.

Je suis mon instinct, mon intuition, mon imagination, ma folie.

La vie me munit de beaucoup d'outils pour aller de l'avant.

Elle me plonge une épée dans le front, m'enfonce une épée dans la poitrine: la vie ouvre tous mes canaux..

En haut, un autre moi-même me hisse vers lui; en bas, un autre moi-même me demande de le hisser vers moi.

J'offre tout ce que m'offre la vie; je suis son médium consentant.

Car la vie est belle, la vie vaut d'être vécue.”

jeudi 8 mars 2007

La Voix

Charles Baudelaire, Les Épaves (1866), XVII - La Voix.

Source: FleursDuMal.org

La Voix

Mon berceau s'adossait à la bibliothèque,
Babel sombre, où roman, science, fabliau,
Tout, la cendre latine et la poussière grecque,
Se mêlaient. J'étais haut comme un in-folio.
Deux voix me parlaient. L'une, insidieuse et ferme,
Disait: “La Terre est un gâteau plein de douceur;
Je puis (et ton plaisir serait alors sans terme!)
Te faire un appétit d'une égale grosseur.”
Et l'autre: “Viens! oh! viens voyager dans les rêves,
Au delà du possible, au delà du connu!”
Et celle-là chantait comme le vent des grèves,
Fantôme vagissant, on ne sait d'où venu,
Qui caresse l'oreille et cependant l'effraie.
Je te répondis: “Oui! douce voix!” C'est d'alors
Que date ce qu'on peut, hélas! nommer ma plaie
Et ma fatalité. Derrière les décors
De l'existence immense, au plus noir de l'abîme,
Je vois distinctement des mondes singuliers,
Et, de ma clairvoyance extatique victime,
Je traîne des serpents qui mordent mes souliers.
Et c'est depuis ce temps que, pareil aux prophètes,
J'aime si tendrement le désert et la mer;
Que je ris dans les deuils et pleure dans les fêtes,
Et trouve un goût suave au vin le plus amer;
Que je prends très souvent les faits pour des mensonges,
Et que, les yeux au ciel, je tombe dans des trous.
Mais la voix me console et dit: “Garde tes songes:
Les sages n'en ont pas d'aussi beaux que les fous!”

vendredi 2 mars 2007

L'affection fraternelle

Estienne de la Boëtie (1530-1563): Discours de la Servitude Volontaire.

Mais certes s’il y a rien de clair ni d’apparent en la nature, et ou il ne soit pas permis de faire l’aveugle, c’est cela, que la nature, la ministre de dieu, la gouvernante des hommes nous a tous faits de mesme forme, et comme il semble, a mesme moule, afin de nous entreconnoistre tous pour compaignons ou plustost pour frères.
Et si faisans les partages des présens qu’elle nous faisoit, elle a fait quelque avantage de son bien soit au corps ou en l’esprit aus uns plus qu’aus autres; si n’a elle pourtant entendu nous mettre en ce monde, comme dans un camp clos, et n’a pas envoié icy bas les plus forts ny les plus avisez comme des brigans armez dans une forest pour y gourmander les plus foibles, mais plustost faut il croire que faisant ainsi les parts aus uns plus grandes, aus autres plus petites, elle vouloit faire place a la fraternelle affection, afin qu’elle eut ou s’emploier, aians les uns puissance de donner aide, les autres besoin d’en recevoir, puis doncques que ceste bonne mere nous a donne a tous toute la terre pour demeure, nous a tous logés aucunement en mesme maison, nous a tous figurés a même patron afin que chacun se peust mirer et quasi reconnoistre l’un dans l’autre; si elle nous a donné a tous ce grand present de la voix et de la parolle pour nous accointer et fraterniser davantage, et faire par la commune et mutuelle declaration de nos pensées une communion de nos volontes; et si elle a tasché par tous moiens de serrer et estreindre si fort le noeud de nostre alliance et société; si elle a monstré en toutes choses qu’elle ne vouloit pas tant nous faire tous unis que tous uns: il ne faut pas faire doute que nous ne soions tous naturellement libres, puis que nous sommes tous compaignons; et ne peut tomber en l’entendement de personne que nature ait mis aucun en servitude nous aiant tous mis en compaignie.

vendredi 9 février 2007

J'habite la vie

“Laissez les petits enfants venir à moi. Ne les empêchez pas: oui, il est pour leurs pareils, le royaume d'Élohîms.
Amén, je vous dis: qui n'accueille pas le royaume d'Élohîms comme un petit enfant n'y entre pas.
Il les prend dans ses bras...” (Marc 10, 14-16)

Cette phrase me hante :

“Amén, je vous dis: qui n'accueille pas le royaume d'Élohîms comme un petit enfant n'y entre pas.”

Fasciné par le paradoxe de cette phrase, j'avais oublié de regarder l'ensemble de la scène. Pourtant, c'est écrit bien clairement :

“Il les prend dans ses bras...”

j'accueille la vie,
aussi spontanément qu'un petit enfant
qui tend ses mains vers moi
pour que je le prenne dans mes bras,
et je suis chez moi.

J'habite la vie.