Planète vagabonde

J'ai pris forme dans l'univers, et je me suis posé ici, sur la planète bleue.
Ai-je été dérouté par quelque malencontre, abusé par quelque illusion?
Car dans le repos ou l'exaltation, surgissent
d'autres images, d'autres sentiments, d'autres espaces, d'autres élans,
qui m'apportent, fugitifs et émus, les parfums d'un ailleurs souvenu.

Je chevauche l'ici et l'ailleurs.
Tout de l'ici m'est plus étrange que l'ailleurs.
L'ici est submergé de clameurs et de stupéfactions;
l'ailleurs s'irrigue d'amitié, scintille d'enthousiasme,
s'enveloppe de silence, et patiente à l'infini.

L'ailleurs et l'ici ont rendez-vous dans un havre intime et secret.

dimanche 1 avril 2007

Danse

L'autre jour, j'ai regardé quatre danseurs, trois femmes et un homme, évoluer dans l'intimité d'une petite salle. Je baignais dans une douce sérénité: ce que je voyais me plaisait, j'étais en plein accord avec le lieu et le moment.

Mais je ne suis pas capable de prolonger une attention soutenue, et bientôt mon esprit s'est mis irrésistiblement à flotter.

Il était question de langage relâché et de langage soutenu, de la violente rigidité des défenseurs de la langue française contre toute tentative d'en assouplir les règles, puis des tensions du corps, d'origine psychologique, qui consument beaucoup d'énergie pour se maintenir. Tension, relâchement, c'était le langage de l'effort.

Soudain m'est apparu le sens de ce “délire mental”: mon esprit traduisait dans un langage conscient le dialogue de mon corps et de la danse. Et que disait-elle, la danse, à mon corps? Une chose très simple:

“C'est la rigidité qui consume l'énergie. Regarde-moi, je suis fluide et pourtant tonique, jamais je ne me fige. Je suis un seul mouvement, je suis la vie légère et souple qui ondule.”

La danse conversait intimement avec moi, elle me prodiguait une nourriture subtile dont j'avais besoin. Elle me parlait de mon corps, si rigide à cause de toutes mes tensions, de mes muscles durcis et raccourcis, des exercices quasi quotidiens d'assouplissement que je venais de commencer. C'était mon propre corps qui me parlait à travers la danse:

“Ne t'acharnes pas contre mes rigidités, car elles m'ont protégé contre bien des violences. Si tu me secoues trop brutalement, je vais me tendre encore plus de peur de casser. Mais sois patient, soit doux avec moi: si toi tu n'es pas doux avec moi, qui d'autre le sera? Plus forte sera ma résistance, que plus grande soit ta douceur, et plus confiante ta patience. Laisse-moi m'ouvrir selon mon propre rythme, laisse-moi être le seul guide, car moi seul sais ce qui est bon pour moi. Traite-moi avec délicatesse, parle-moi avec tendresse, aime-moi: je suis toi et tu es moi.”

Toutes ces choses, mon esprit les connaissait déjà, pour les avoir lues ou entendues maintes fois. Mais lui seul les connaissait. C'est dire que je ne savais rien.

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