Planète vagabonde

J'ai pris forme dans l'univers, et je me suis posé ici, sur la planète bleue.
Ai-je été dérouté par quelque malencontre, abusé par quelque illusion?
Car dans le repos ou l'exaltation, surgissent
d'autres images, d'autres sentiments, d'autres espaces, d'autres élans,
qui m'apportent, fugitifs et émus, les parfums d'un ailleurs souvenu.

Je chevauche l'ici et l'ailleurs.
Tout de l'ici m'est plus étrange que l'ailleurs.
L'ici est submergé de clameurs et de stupéfactions;
l'ailleurs s'irrigue d'amitié, scintille d'enthousiasme,
s'enveloppe de silence, et patiente à l'infini.

L'ailleurs et l'ici ont rendez-vous dans un havre intime et secret.

lundi 25 décembre 2006

Le dernier rêve d'Akira

Le dernier “Rêve” d'Akira Kurosawa. 黒沢明の最後の「夢」

正直、生きてるのは良いもんだよ。とても面白い。
En fait, il fait bon vivre. C'est passionnant.

Le village

(Ceci est le texte des sous-titres, sans doute dû à Catherine Cadou, très proche de l'original japonais; il est de loin préférable au texte de la piste audio française, où le jeune homme est puéril et le vieil homme pontifiant. Or, tout ici est naturel, délicatesse, émerveillement...)

Le film sur YouTube: Watermill Village Part 1 Part 2

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Un jeune homme (J) arrive dans un village. Il y rencontre un vieil homme (V) assis et retapant une roue de moulin à eau...

J: Bonjour. Bonjour!

V: Ah... bonjour.

J: Comment s'appelle ce village?

V: Il n'a pas de nom. Nous, on l'appelle “Le village”. Les autres l'appellent “Le village des moulins à eau”.

(Regardant la maison...)

J: Les villageois, ils habitent tous ici?

V: Non... ils habitent ailleurs.

J: Vous n'avez pas l'électricité?

V: Pas besoin. Les gens ont un faible pour ce qui est commode. Pour eux, ce qui est commode est bien, et ils rejettent ce qui est vraiment bien.

J: Comment vous éclairez-vous?

V: On a les bougies et l'huile de colza.

J: Mais la nuit est obscure...

V: La nuit, c'est fait pour ça. Des nuits claires comme le jour, non merci. On ne pourrait pas voir les étoiles. Ce serait dommage.

J: Vous avez des rizières... mais pas de motoculteurs ou de tracteurs.

V: Pas besoin. On a des vaches, des chevaux aussi.

J: Quel combustible utilisez-vous?

V: Principalement du bois. Il est certes fâcheux de couper un arbre vivant, mais il y en a assez de morts. Ça suffit largement. En plus, calcinés en charbon de bois, quelques arbres chauffent autant qu'une immense forêt. J'oubliais... la bouse de vache, quel bon combustible!

* * * * * * *

V: Nous essayons le plus possible de vivre la vie naturelle d'antan. Les gens d'aujourd'hui ont oublié qu'ils étaient parcelle de la nature. Alors qu'elle est notre vie, nous la violentons, espérant en tirer quelque chose de mieux.
Les savants, surtout. Ils sont peut-être intelligents, mais nombreux sont ceux qui méconnaissent le coeur profond de la nature. Cette engeance se flatte d'oeuvrer à des inventions qui font le malheur des hommes. Le pire, c'est que la majorité des gens, pleins de gratitude, tiennent ces inventions imbéciles pour des miracles et encensent leurs inventeurs. Aveugles à la déperdition de la nature, ils ne voient pas qu'ils courent à leur perte.
L'homme a besoin pour vivre d'air pur et d'eau claire... et aussi des plantes qui les produisent. Tout est souillé tant et plus, perdu à tout jamais. Souillés, cet air et cette eau souillent à leur tour le coeur des hommes.

* * * * * * *

J: Dites-moi... en venant ici tout à l'heure, j'ai vu des enfants déposer des fleurs près du pont. Pour quoi faire?

V: Oui, je vois. Feu mon père m'a raconté autrefois qu'un jour, il y a longtemps, un voyageur malade avait rendu l'âme près du pont. Compatissants, les villageois l'y avaient enterré. En guise de tombe, ils mirent une pierre et offrirent des fleurs. Cette coutume a subsisté. Non seulement les enfants, mais tous ici posent une fleur en passant, sans bien savoir pourquoi.

(On entend une musique dans le lointain...)

J: Il y a une fête aujourd'hui?

V: Non, c'est un enterrement. Vous en faites une tête! En fait, c'est une célébration. Une vie bien vécue, le travail accompli... tout cela mérite d'être fêté. Au village, nous n'avons ni temple ni bonze, alors, tous les villageois accompagnent le défunt en choeur, jusqu'au cimetière sur la colline. Mais on n'aime pas voir mourir les jeunes ou les enfants, c'est dur à célébrer. Par chance, pour la plupart, vivant une vie proche de la nature, nous mourrons en accord avec notre âge. Celle qu'on enterre aujourd'hui avait atteint le bel âge de 99 ans. Je dois d'ailleurs rejoindre la procession, veuillez m'excuser.
À vrai dire, la défunte a été mon premier amour. Me brisant le coeur, elle en a épousé un autre.

* * * * * * *

J: Au fait, quel âge avez-vous?

V: Moi? Cent et trois ans. Un bon âge pour cesser de vivre.
Mais écoutez. On dit que c'est dur, la vie... tout ça, c'est du boniment.
En fait, il fait bon vivre. C'est passionnant.

(Le vieil homme se joint au joyeux cortège...)

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